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Channel: L'Espagne désenchantée » conjoncture économique
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Jusqu’où ira la rigueur espagnole ?

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Manifestation à Madrid, le 13 juillet. (REUTERS/Paul Hanna)

Les Espagnols en sont convaincus, le plan de 65 milliards d'économies voté jeudi 19 juillet par le Parlement espagnol sera insuffisant pour faire face à la crise que traverse le pays. Le ministre des finances allemand, Wolfgang Schaüble, qui a fait adopter jeudi par le Bundestag l'aide européenne de 100 milliards d'euros aux banques espagnoles, a d'ailleurs estimé que les besoins d'aide de l'Espagne pourraient se chiffrer à 300 milliards d'euros d'ici à la fin 2014.

Le train de rigueur approuvé hier est le quatrième du genre depuis le début de la crise en 2008. Deux ont été décidés par le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero, deux par le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy. Pour comprendre le coup de massue qui s'abat sur les Espagnols, un petit rappel s'impose.

  • Mai 2010 : 15 milliards d'euros d'économies. Zapatero fait adopter une baisse de 5 % des salaires des fonctionnaires, gèle les pensions, supprime les chèque-bébés (une aide de 2 500 euros instaurée en 2007 pour soutenir la natalité) et fait grimper la TVA de base de 16 à 18 %.
  • Août 2011 : 5 milliards d'euros. Après avoir convoqué des élections anticipées pour l’automne, le chef du gouvernement socialiste annonce durant l'été des déremboursements de médicaments, la privatisation des aéroports et demande aux grandes entreprises un paiement avancé de l'impôt sur les sociétés.
  • Décembre 2012 : 16,5 milliards d'euros. A peine arrivé au pouvoir, le gouvernement PP de Mariano Rajoy fait adopter des mesures d'urgence : "embauche zéro" et non-remplacement en cas de départ dans la fonction publique, gel des salaires des fonctionnaires et du smic (641,40 euros, l'un des plus faibles de l'UE), hausse temporaire de l'impôt sur le revenu pendant deux ans.
  • Juillet 2012 : 65 milliards d'euros. Mariano Rajoy supprime la "prime de Noël" (treizième mois) des fonctionnaires, réduit leurs jours de congés, réduit le montant des indemnités chômage, augmente la TVA à 21 % et supprime les déductions fiscales pour l'achat d'un logement.

Ces plans votés au niveau national s'ajoutent à des mesures d'austérité décidées au plan local, que le quotidien gratuit 20 Minutos a recensées région par région et ville par ville dans un graphique interactif.

Au total, ABC estime à 157,5 milliards d'euros les économies de dépenses réalisées ces dernières années. Tout cela dans un contexte de chômage à 25 % et de perspective de croissance nulle. Le Fonds monétaire international a d'ailleurs revu à la baisse, en début de semaine, ses prévisions d'évolution du PIB espagnol pour 2013, prévoyant que le pays sera toujours en récession l'an prochain.

La semaine dernière, le Prix Nobel d'économie Paul Krugman s'interrogeait sur son blog sur l'utilité du plan d'austérité de Madrid. "Certes, le déficit de l'Espagne va se réduire. Non pas de 65 milliards d’euros, car la récession de l'économie espagnole va diminuer les revenus, mais le déficit peut se réduire de 40 ou 45 milliards d'euros, ce qui correspond à environ 4 % du PIB espagnol, prédit l'économiste. Cela fera-t-il une grande différence à long terme et sera-t-il suffisant pour restaurer la confiance des investisseurs ?" Une majorité d'Espagnols (76 %) n'y croient pas, selon une enquête réalisée par El Pais.

Quelles suites au plan de 65 milliards ?

La presse espagnole s'interroge donc sur ce que pourraient être les prochaines mesures du gouvernement Rajoy. El Pais détaille une série de vingt mesures que l'exécutif entend faire voter d'ici à la fin de l’année : mise en place de soldes flottants pour les commerces ; ouverture au privé du transport ferroviaire ; flexibilisation du marché locatif ; mise en place d’un organisme unique de régulation des marchés, qui supervisera les marchés des jeux, de l'énergie, des télécommunications, etc. Autant de projets de loi dont la rédaction est déjà bien avancée, qui vont dans le sens d'une libéralisation accrue de l'économie du pays.

Le gouvernement envisage aussi d'autres réformes, pour lesquelles la réflexion est encore embryonnaire, notamment une réforme du système des mutuelles. Le quotidien conservateur ABC a interrogé plusieurs économistes pour évoquer les autres leviers sur lesquels pourrait agir Madrid. Certains évoquent la piste d'un impôt sur les sociétés à 35 % pour les grandes entreprises, qui permettrait de lever entre 13 et 14 milliards d'euros. D'autres estiment que l'exécutif cherchera à avancer l'entrée en vigueur du recul à 67 ans de l'âge légal de départ à la retraite.

Le Congrès avait voté cette mesure en 2010, pour une entrée en vigueur progressive d'ici à 2027, mais Mariano Rajoy pourrait chercher à accélérer le calendrier. Il pourrait aussi décider d'appliquer plus tôt que prévu l'augmentation de 15 à 25 ans de la période de cotisation servant à calculer le montant des pensions, qui doit s'appliquer pour l'instant en 2022. Enfin, ABC estime que les plus grandes marges de manœuvre se situeraient dans une réforme de l'impôt sur le revenu, régulièrement critiqué car il soumet les revenus du travail à une fiscalité plus importante que les revenus du capital.

Les manifestations massives d'hier montrent que les Espagnols ne sont pas prêts à accepter une rigueur jugée injuste, qui ne s'attaque pas, selon une majorité de la population, aux responsables de la crise (principalement les établissements bancaires). Le gouvernement Rajoy aura donc fort à faire pour faire passer les mesures suivantes après le plan de rigueur voté hier.

Mathilde Gérard


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